Logement de Julien

La porte du collatéral Est de l'église grinça tandis que Julius se glissait furtivement à l'intérieur. Et voici ce retour "aux bercails" tant rédouté... Mais, heureusement, aucune trace de Lambé. Les explications viendraient bien assez tôt.

Le Novice gagna le fond de l'église, près de la porte principale et emprunta le petit escalier en colimaçon qui menait à l'étage supérieur. Il débouchait sur une sorte de mezzanine : C'était là qu'était établi Julien.
Près de la rampe, il y avait sa paillasse. Ainsi lorsqu'il était allongé, il pouvait à loisir observer la nef en contre bas. Plus en arrière, vers l'escalier était accroché un crucifix au dessous duquel il y avait un prie-dieu. Une aiguière était posée sur une tablette près d'une commode dans une sorte de petite alcôve.

Le jeune homme s'agenouilla tout en essayant de se recueillir un peu mieux que lors de la Messe ce matin ! Il était temps de se rattraper !

Invité

Il cherchait Julein depuis bien un heure maintenant. Où pouvait bien t-il être ?
Pas dans les jardins, ni dans la salle des confessions, pas près de l'autel, pas au château...
Où était-il ?

Stéphane pensait bien que celui qu'il cherchait n'avait pas du tout envie de le voir. Pourtant, il le devait quand même.

Soudain, le prêtre se frappa le front en se stoppant ! En secouant la tête, il se dirigea vers les "appartements" de Julius. Une fois arrivé devant ces portes, il frappa trois fois.

Julius sursauta lorsqu'il entendit qu'on frappait à la porte... Mais quand pourrait-il être en paix pour prier ?! Il se releva et épousseta son pallium qui commençait à vraiment grisonner et alla ouvrir. Il se retrouva alors nez à nez avec celui qu'il avait voulu fuir depuis quelques heures : Stéphane de Lambé.
Le Novice murmura :

- Ah... C'est vous...

Tout en s'effaçant pour laisser le passage au Moine, il maugréa intérieurement contre lui-même ! Qui d'autre aurait pu frapper à sa porte ?

Julien lança un regard de biais à son Mentor et contrairement à son habitude, commença la conversation :

- Je suppose que vous venez me parler de mon attitude à la Messe ?

On pouvait lire à cet instant une légère défiance dans les yeux du jeune homme. Il n'avait pas voulu laisser venir la réprimande, préférant aller au devant d'elle.

Invité

Il soupira d'un air las...

Non pas vraiment. Je viens juste t'écouter...

Il se mit à l'aise dans la pièce et le regarda en face.

Alors vas-y, parle...

Julien ne s'était pas attendu à cette réponse. Il aurait voulu que le Moine se fâche, le malmène un peu... Mais rien ! Il lui proposait une oreille attentive à ses tourments. Pourtant, toute cette bonté, que le jeune homme ne méritait pas, avait le don de l'exaspérer. Il demeura donc défiant, et répondit, soudain hors de lui :

- Alors je n'ai rien à vous dire !

Il n'avait vraiment aucune envie de se confier. Il aurait préféré mourir plutôt que d'avouer ce qui rongeait insidieusement son âme. Il en avait honte... Il avait honte de douter d'une vocation pour laquelle il s'était mis sa famille entière à dos. Il avait peur de sa future ordination. Il n'était plus sûr de rien. Il était complètement partagé entre le fait de se tenir à ce chemin tout tracé et de peut-être regagner l'attention de son père et la solution de fuir à toutes jambes la religion.
Etait-ce simplement parce que le moment fatidique se rapprochait dangereusement ? Le moment où il ne pourrait plus revenir en arrière ? Ou alors était-ce parce qu'il n'était pas fait pour être prêtre ? Après tout, peut-être avait-il choisi cette profession juste pour aller à l'encontre de l'avis paternel qui avait été trop pesant tout au long de sa vie... Si c'était réellement un accomplissement, pourquoi considérait-il Camelot comme un exil forcé ? Et puis, pourquoi n'était-il plus sûr de rien ?!

Non ! Définitivement, il préfèrerait se couper la langue plutôt que de dire ça à la personne qui l'avait formé. Il se décevait déjà assez lui même !
Les paroles qu'il répéta parurent lointaine à ses oreilles. Il ne se sentait pas bien du tout :

- Je n'ai rien à vous dire...

Invité

- tu n'as rien à me dire...

Ces derniers mots, ils les avaient prononcés d'un air déçu et triste.
il se leva, d'un air fatigué. Il faisait vieux.

- Je n'étais pas tout jeune, et mon avenir était déjà trcé. J'ai pourtant décider de t'aider. Mais je crois que mes forces ne sont plus Julien. La porte se ferme ici...

Il se leva et sortit de la pièce. Il ajouta tout de même devant la porte.

- Essaye de venir me voir tout de même lorsque tu auras prit ta décision.

Il marcha lentement dans le couloir en s'en allant. La larme à l'oeil...

Julien entrevit sur le visage du moine de la déception accompagnée d'un mélange de tristesse et de lassitude... Il serra ses dents plus fort encore pour ne pas fléchir. Il ne pouvait pas parler. Pas tout de suite, pas maintenant. Et pourtant, il aurait voulu éviter de faire du mal à son Mentor.

Il demeura donc silencieux, les yeux dans le vague, attendant que la porte se referme sur celui qui l'avait porté à bout de bras depuis un an. Mais comment aider les autres quand on ne peut plus s'aider soi-même ?

Il acquiésça un peu tard, en réponse à la dernière phrase prononcée par Stéphane. Il n'était plus là pour le voir de toute manière !

Le Novice se laissa tomber sur sa paillasse. Il n'avait même plus la force de prier maintenant... Pourtant, il savait qu'il n'arriverait pas non plus à trouver le repos. Il aurait fallu qu'il puisse hurler toute cette incompréhension et cette rage qui montaient en lui. Dans un dernier effort, il les containt puis croisa son reflet dans le miroir : Etait-ce bien lui ce jeune homme avec ce visage fermé et ces traits si durs ?

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